Simone de Beauvoir avait écrit « on ne naît pas femme : on le devient ». Aujourd’hui encore, l’assignation à la qualité de femme conditionne et détermine une grande partie de l’existence. Ainsi, c’est la loterie de la naissance qui préside aux destinées. Le combat de Simone de Beauvoir et de ses contemporains pour plus de liberté et le droit de choisir son destin me fait aujourd’hui osciller entre sourire et frissons, car le souvenir de son époque nous permet de mieux mesurer l’ampleur de la terrifiante régression qui se profile désormais à l’horizon sur la question des femmes et des libertés, régression qui a été rendue possible par une succession de lâchetés, trahisons des principes, et parfois aussi banale indifférence envers notre devenir collectif. Jamais, dans mes pires cauchemars, je n’aurais pu imaginer que la France puisse se voir un jour rattrapée par une barbarie importée. Il serait faux, du point de vue historique, d’employer ici le terme de « coutumes moyenâgeuses », car si les femmes furent longtemps privées de tant de droits en Europe, elles n’y étaient pas pour autant brûlées vives par leur famille si elles contrevenaient à l’ordre moral établi. Certes, elles encouraient le risque d’être mariées de force ou enfermées dans des couvents. Peut on comparer ce sort à celui des crimes « d’honneur », en vérité crimes d’horreur ?
Le Figaro : « Banaz Mahmod, 20 ans, a été violée, torturée, étranglée puis brûlée sur ordre de son père et de son oncle en 2006 car elle fréquentait un garçon. Son meurtre avait choqué le Royaume-Uni (…) Battues, séquestrées, mutilées, aspergées à l’acide ou tuées pour avoir porté atteinte à l’honneur de leur famille. Cette réalité a été vécue en 2010 par près de 3000 jeunes femmes résidant en Grande-Bretagne. »
Le Point : « Les victimes sont ciblées parce qu’elles ont un petit ami, ont été victimes d’un viol, ou ont refusé un mariage arrangé. Soit encore parce qu’elles sont homosexuelles, voire simplement parce qu’elles se maquillent ou portent des tenues jugées inappropriées. »
Peut-être pensez-vous que la France demeure encore un pays sûr, un pays de liberté et de respect des droits de l’homme ? 27 février 2012 : « Une jeune fille de 23 ans n’est pas passée loin d’une mort atroce samedi soir quand son père a tenté de l’immoler. L’histoire, révélée lundi par Le Parisien, se déroule rue du Chemin-Vert, dans le hall d’un hôtel du XIe arrondissement de Paris. »
« Le 4 octobre 2002, Sohane, 17 ans, a été aspergée d’essence puis enflammée avec un briquet dans le local à poubelles de l’escalier H de la cité Balzac à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). L’auteur présumé des faits, Jamal Derrar, dit “Nono”, 19 ans, est un petit caïd du quartier. »
Extrait de mon dernier ouvrage : « Omerta sur le sexisme dans certaines banlieues. Sur la question des violences faites aux filles, et plus généralement aux femmes, de l’immigration, une véritable omerta règne dans les médias, qu’illustre parfaitement l’attaque menée contre le documentaire La Cité du mâle [1] qui traite du sexisme. Là aussi les médias en viennent à taire la vérité ou à la relativiser, au prétexte que les femmes de souche européenne seraient elles aussi victimes de violences. Ce qui se déroule dans certaines familles de l’immigration ne ressemble, en aucun cas, à ce que peuvent vivre les femmes européennes. En témoignent les observations de Luc Bronner : “L’ordre social, qui attribue à chaque sexe un rôle déterminé, structure la vie des garçons et des filles. Pour les premiers, elle les cantonne dans l’hétérosexualité – mais leur laisse une assez grande liberté en dehors du registre “romantique” perçu comme une faiblesse, voire un indice d’homosexualité. Pour les secondes, cet ordre social est nettement plus contraignant. La sexualité féminine, pour être jugée morale, doit être contrôlée et les filles sont constamment sous contrôle, en liberté surveillée pour les plus libres d’entre elles.” » Et Luc Bronner de poursuivre : « “À partir de 12, 13 ans, elles existent d’abord dans le regard des autres”. Les jugements sont définitifs. Selon les vêtements portés, selon leur attitude publique face aux garçons, selon leur histoire personnelle, les filles peuvent être qualifiées de “putes” ou “crevardes”.[2] »
Et Gilles Kepel qui ose écrire en introduction de son livre Banlieue de la République que « Clichy-Montfermeil c’est la France même » ! Non, Monsieur Kepel, vous faites erreur, tout comme Jean-Louis Borloo avant vous ; et tant que les politiques refuseront de regarder la réalité en face, à savoir que nous n’assistons pas à une évolution de la société française en elle-même, mais à une importation de coutumes et de valeurs, ils continueront de se montrer incapables de traiter les graves problèmes qui se posent à notre pays et qui menaceront un jour de le faire imploser.
Brice Couturier sur France Culture, dans un billet intitulé Violences contre les femmes et politiquement correct que je vous encourage vivement à lire dans son intégralité : « Il y a des coutumes qu’il faut appeler par leur nom : elles sont barbares. Non, toutes les traditions ne sont pas également respectables, contrairement à ce que prétend le relativisme ambiant. Celles qui humilient, mutilent ou tuent des êtres humains, au nom de croyances absurdes, doivent être combattues. Les droits de l’homme et la dignité des femmes ne sont pas des marottes d’Occidental, mais des principes universels. Et il faut se battre, ici et sur place, pour les faire respecter (…) »
Je ne comprends pas comment, aujourd’hui, des mouvements qui se disent féministes peuvent continuer d’ignorer ce problème de l’immigration, et même soutenir, sans qu’aucune condition ne leur soit posée, des partis politiques immigrationnistes, alors que l’on sait parfaitement désormais que le processus d’intégration culturelle présente bien davantage de risques d’échec que de chances de réussite. L’arrivée à tous les échelons du pouvoir, au sein de notre société, d’hommes et de femmes [3] qui ne partagent pas le même idéal d’émancipation de la femme finira par mettre en péril toutes les conquêtes féministes, les unes après les autres !
J’ai une pensée émue pour Olympe de Gouges et toutes celles qui nous ont précédées sur cette terre de France, et qui ont souffert – parfois même donné leur vie – pour que nous puissions vivre libres et respectées : « Les femmes écrivirent un chapitre particulier de l’histoire de la Révolution française. Cependant ni pendant, ni à la fin de ce grand évènement historique, elles ne virent jamais leurs espoirs comblés (…) Dans les années suivantes, le “principe du maintien de la femme dans un rôle privé” fut également élevé au rang de profession de foi par les hommes – car il désamorçait ainsi la question féminine –, les résultats de la Révolution ne se soldèrent donc pour les femmes que par une déception (…) En 1793, tous les rassemblements des femmes furent interdits (…)[4] »
Ne pensez-vous pas, chers lecteurs et concitoyens, que le progrès dont notre société a hérité, et qui a conduit à une certaine douceur de vivre, mérite amplement d’être défendu bec et ongles ?
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[1] La Cité du mâle, documentaire de Cathy Sanchez, produit par Doc En Stock pour ARTE, diffusé le 30 septembre 2010. ↩
[2] Luc Bronner, « La Loi du ghetto », Calmann-Lévy, 2010. ↩
[3] « la question du contrôle des femmes par les hommes n’est pas seulement une affaire privée, c’est un acte social dont les hommes ont à répondre devant leur communauté tout entière. Il existe une pression sociale sur les hommes qui ne savent pas “tenir leurs femmes”, et par ricochet sur les mères qui ne savent pas “tenir leurs filles”. Ce sont les mères, véritables agents de “dressage”, qui sont chargées de ce travail. » Horia Kebabza, Daniel Welzer-Lang, Jeunes filles et garçons des quartiers, une approche des injonctions de genre, rapport réalisé pour la Délégation interministérielle à la Ville, septembre 2003. ↩
[4] Paul Noack, « Olympe de Gouges », Éditions de Fallois, 1993. ↩