« Pour reconnaître les ténèbres en tant que telles, il faut encore appartenir à la lumière. »
Suite à cette pensée du professeur de philosophie Fabrice Hadjadj que j’avais souhaité partager avec vous, voici la réaction que nous adresse Jérôme :
« Phrase magnifique en effet, et qui convient parfaitement à notre époque où les ténèbres avancent parce qu’on ne les voit pas comme telles.
Je serai toujours fasciné par ces intellectuels, hommes de pouvoir ou politiciens qui nous vantent les ténèbres et qui dénigrent la lumière. Ces “amis du désastre” comme les qualifie Renaud Camus.
Gigantesque entreprise de mystification au demeurant et qui réussit très bien : les ténèbres ont le vent en poupe. Ainsi, le monde dans l’anarchie est aimable pourvu qu’on l’appelle “multipolaire”, les émeutes rentrent dans le cadre démocratique dès lors qu’on les nomme “révoltes”, on retient de la violence sa “vitalité”, sa “jeunesse”, pour un peu, elle serait presque branchée. On insiste par ailleurs sur l’obsolescence de la politesse, de la galanterie et de toutes les formes de civilisation qui pourraient remettre en cause le chaos naissant. La perte du langage commun enfin, est appelée diversité.
Le schéma est clair : ce nouveau discours est le discours du pouvoir, il est destiné à masquer son impuissance. Ne pouvant changer le monde, il change le langage. Il diabolise l’ordre qu’il ne peut plus apporter, il esthétise le désordre, qu’il ne peut plus empêcher.
Cette phrase de Hadjadj me fait penser à celle-ci, de Heidegger : “La décadence spirituelle de la Terre est déjà si avancée que les peuples sont menacés de perdre la dernière force spirituelle, celle qui leur permettrait du moins de voir et d’estimer comme telle cette décadence”.
Ce qui me fait apprécier ce site est justement qu’appartenant à la lumière, il reconnaît les ténèbres en tant que telles. Quand à l’avenir, soyons optimistes, et combatifs, les ténèbres actuelles ne sont pas nécessairement le signe du crépuscule de notre monde. Peut-être s’agit-il tout au plus de quelque nuage qui passe. L’Histoire est imprévisible. »
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Voici, pour vous, quelques très courts extraits de mon article publié dans l’enquête 1980-2010 de la revue Le débat :
Le sursaut intellectuel
On ne règle pas un problème en utilisant le système de pensée qui l’a engendré.
Albert Einstein
Nous voilà de nouveau à la croisée des chemins, en un lieu et un temps où l’Histoire peut faire irruption à tout instant et rebattre, comme elle seule sait le faire, les cartes du destin des humbles et des sans-voix.
Si je devais retenir un seul marqueur de ces dernières décennies, ce serait la consécration, partout en Europe, du divorce entre les peuples et les élites. Des élites qui se sont distinguées de l’élite par leur propension à créer du désespoir, là où l’élite aurait semé l’espoir. Des élites qui se sont attachées à convertir les citoyens au fatalisme pour mieux leur faire accepter les affres d’un monde qui serait devenu incontrôlable, là où l’élite aurait su leur ouvrir de nouveaux horizons […]
Nous vivons une époque où la confusion règne, quand ce n’est pas le mensonge ; une époque où les repères des citoyens sont constamment brouillés : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire, ce n’est pas de subir la loi du mensonge triomphant qui passe », disait Jean Jaurès. […]
L’identité des Français s’incarne en grande partie dans le pacte républicain qui est la synthèse de l’histoire culturelle et politique du peuple auquel ils appartiennent. […]
et c’est notre République qui se trouvera ainsi au centre de la vie intellectuelle des prochaines années, sous le regard vigilant d’un peuple de nouveau en quête de sens ; d’un peuple qui dispose désormais de moyens de communication lui permettant d’influencer la géographie de la pensée.
Saurions-nous bâtir un édifice commun sans consensus sur ses fondations ? De fait, la réflexion s’engagera autour du sens et du contenu de chacun des principes et de chacune des valeurs qui suffisaient pourtant jusqu’ici à faire sens, à tisser du lien entre les individus et permettaient au désir de vivre ensemble d’exister et de s’exprimer. […]