Lorsque j’ai pris la décision d’ouvrir ce blog, ma motivation première était fondée sur l’intuition que j’aurais probablement besoin d’un espace pour préciser un certain nombre de points au sujet de mon livre, notamment après l’interprétation des uns ou des autres (médias ou monde politique), ou pour répondre à des interrogations que mes écrits auraient pu soulever. Il est naturel que notre pensée ne soit pas toujours interprétée comme nous l’aurions souhaité. C’est une situation que chacun de nous peut connaître dans sa vie privée ou professionnelle.
Dans son bloc-notes du Figaro du 8 juin dernier, le journaliste Ivan Rioufol cite certains passages de mon livre, qu’il invite à lire ; je l’en ai remercié. Son bloc-notes était consacré aux difficultés très préoccupantes que rencontre depuis plusieurs années le département de la Seine-Saint-Denis. J’ai écrit à Ivan Rioufol pour lui soumettre un certain nombre de réflexions, auquel il a été attentif et ouvert.
Je souhaite donc préciser que l’extrapolation d’Ivan Rioufol, qui évoque le « refus de s’insérer d’une partie de la communauté musulmane », lui appartient intégralement. Le mot « Musulman » n’apparaît nulle part dans mon livre, et je n’y évoque d’ailleurs aucune religion. Comme les dernières vagues d’immigration proviennent très largement de pays à populations musulmanes, j’imagine bien ce qui a conduit Ivan Rioufol à sa conclusion. Cela étant, il suffit d’observer ce qui se passe dans d’autres communautés actuellement présentes sur le territoire français, pour constater que l’intégration de leurs membres rencontre également de sérieuses difficultés. La seule différence, mais elle est de taille et il est nécessaire d’en convenir, est que cette difficulté d’intégration est moins visible, et surtout qu’elle ne se traduit pas en vagues de violence dans l’espace public.
Je ne partage pas l’approche qui consiste à considérer autrui au travers du prisme de la sensibilité religieuse. De même qu’on ne saurait amalgamer tous nos concitoyens qui ont grandi dans un environnement influencé par le catholicisme, évitons de le faire pour ceux qui ont grandi dans un environnement influencé par l’Islam. Le critère religieux ne fait que perturber la possibilité de nous concentrer sur les solutions à mettre en œuvre. Il est illusoire d’espérer que le processus d’intégration s’accomplira en adoptant une attitude qui consiste à vouloir systématiquement emprisonner tous les prétendants à l’intégration sous une même étiquette ; a fortiori si cette étiquette a été ternie. Nul ne songerait à évoquer « les Catholiques » dans leur ensemble lorsqu’un quelconque problème est le fait de Français de souche ; on ne se pose au demeurant jamais la question de savoir si les personnes incriminées sont de sensibilité catholique, protestante, ou juive. Alors, pourquoi le fait-on pour ceux qui sont de sensibilité musulmane ? (ou supposés l’être ; là aussi, les raccourcis sont systématiques). Il est intéressant de réaliser qu’alors qu’il leur est sans cesse reproché de se replier sur eux-mêmes, on adopte dans le même temps envers « les Musulmans » des attitudes qui, en les stigmatisant, provoquent dans les faits leur repli sur leur communauté d’origine.
Comme je le développe très longuement dans mon livre, les solutions sont à rechercher dans de multiples directions. Pour en extraire simplement quelques-unes, j’évoquerai le rôle central que doit pouvoir à nouveau jouer l’école républicaine auprès des enfants issus de l’immigration récente. Il est à ce titre essentiel de pérenniser le traitement des difficultés à la source, comme avait commencé à le faire le précédent gouvernement, avec la politique de l’égalité des chances défendue par le Premier ministre Dominique de Villepin, et de s’opposer à ce que soient instaurées des mesures de discrimination positive, qui créent des effets pervers sur les populations à insérer et des dégâts collatéraux sur les Français de souche. Il sera également fondamental de repenser le circuit des aides accordées par l’État aux familles, afin de s’assurer qu’elles sont réellement affectées aux besoins éducatifs des enfants (et ce, quel que soit leur milieu social).