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Insertion - intégration - Page 19

  • Du rôle central de l’école maternelle dans l’Égalité des chances

    La « mission Bentolila » sur l’école maternelle a rendu son rapport au Ministre de l’Éducation nationale Xavier Darcos. Ce rapport a le mérite de placer l’école maternelle au centre de la discussion sur la réussite scolaire. Enfin, on reconnaît que l’égalité des chances se prépare dès la maternelle. On comprendra donc peut-être un jour que le chèque de 730 millions d’euros alloué à Valérie Pécresse pour diviser par deux, à l’horizon 2012, le taux d’échec des 52% d’étudiants dont le trop faible niveau les empêche de réussir d’emblée l’épreuve de vérité que constitue la première année universitaire, n’a guère de chance d’atteindre son objectif. Le « Plan réussite en licence » de Valérie Pécresse prévoit que « la licence sera également rénovée avec l’instauration d’une première année fondamentale davantage pluridisciplinaire et recentrée sur les fondamentaux ». Ce qui signifie en bon français que la première année universitaire servira désormais à dispenser les fondamentaux qui auraient dû être acquis auparavant par les étudiants ! À ce stade, ce qui est entrepris là n’est plus une tentative de sauvetage, mais un tour de magie digne de la bonne marraine de Cendrillon, capable de changer une citrouille en carrosse et des souris en splendides chevaux… Je considère pour ma part que pour la réussite scolaire, l’égalité des chances se construit pas à pas depuis la maternelle jusqu’à la fin du CE2.

    La mission Bentolila met en lumière l’importance, dans le cursus scolaire, du temps consacré aux comptines, ainsi que la nécessité d’un apprentissage basé sur des écrits de bonne qualité littéraire, et non pas sur des textes « fort médiocres » (je cite). Il est affligeant d’avoir mis si longtemps à prendre conscience de cette triste réalité. En vérité, seuls les enfants qui auront eu le privilège d’évoluer dans un milieu familial dont l’usage de la langue française n’est pas atrophié, disposeront d’une chance d’aborder les apprentissages de l’école primaire sur les deux jambes. Les autres trébucheront dès les premières semaines. Parmi eux, certains se relèveront, mais d’autres seront traînés de classe en classe en attendant l’âge légal de fin de la scolarité obligatoire…

    Voici quelques extaits du rapport remis au Ministre de l’Éducation nationale : « Les temps consacrés aux comptines et aux chants doivent devenir des temps d’apprentissage où l’on privilégiera la qualité d’articulation, de mémorisation, d’explication du lexique, plutôt que la quantité de comptines marmonnées. […] Disons enfin que tous les textes ne se valent pas et qu’il en est de superbes et de fort médiocres. En la matière, la “modernité” n’est pas toujours une garantie ; certains textes et poésies classiques charmeront les oreilles et les esprits de jeunes enfants plus sûrement que certains albums de littérature jeunesse. En bref, l’école maternelle doit commencer à créer les fondements d’un patrimoine littéraire de qualité. Le nécessaire labeur qu’ils entreprendront au CP, sera ainsi éclairé par la claire conscience qu’il leur promet des découvertes magnifiques des images merveilleuses qui n’appartiendront qu’à eux mais qui devront tout au texte et à son auteur. »

    Un très long passage est consacré aux « enfants venus d’ailleurs ». La mission évoque l’existence d’« un risque transculturel pour tout enfant de migrant ». Elle soulève également la question de la compatibilité culturelle entre l’école et la maison pour ces « enfants venus d’ailleurs » : « Il est temps que parents et enseignants s’accordent ensemble, au sein de chaque établissement, sur les termes d’une compatibilité culturelle entre l’école et la maison. » Comme la sociologue Nicole Mosconi[1], la mission affirme que « Le rapport au savoir des familles est lié à la représentation de l’enfant, de sa nature, de ses besoins, de ses compétences. Mais le rapport au savoir que l’enfant doit habiter pour pouvoir apprendre est celui de l’école française. »

    Le rapport recommande alors, et c’est en effet très sage, de réduire le conflit lié au risque transculturel entre l’école et la maison : « […] pour penser la prévention du risque transculturel auquel est soumis tout enfant de migrants. Tout d’abord, diminuer le conflit entre l’école et la maison, les deux lieux d’appartenance de l’enfant. Il s’agit parfois de logiques qui se posent comme antinomiques et qui cherchent à s’exclure ou du moins qui entrent dans un rapport de force stérile. Pour permettre à l’enfant d’acquérir le savoir nécessaire, il ne s’agit pas de changer sa nature, de le rendre pareil à ses enseignants ou à des normes qui seraient celles de la société d’accueil. »

    Malheureusement, la voie que préconise d’emprunter la mission Bentolila démontre qu’elle n’a pas encore bien saisi les véritables difficultés que rencontrent les enfants issus de l’immigration dans leurs parcours personnels, et qui entraînent l’exclusion du plus grand nombre d’entre eux d’une réelle « égalité des chances ». Ainsi, la mission recommande de « créer aussi des espaces de pensée de l’altérité à travers l’ouverture de l’école sur les réalités sociales et culturelles de la France, pays de métissages. Ceci peut se faire à travers le soutien d’activités parascolaires en relation avec les multiples origines culturelles des enfants de la seconde génération : ateliers de langues, d’écriture, de calligraphie, d’histoire… »

    Savez-vous qu’en France, des formulaires de renseignements remis en début d’année aux élèves des écoles primaires demandent aux parents s’ils souhaitent que leur enfant reçoive un enseignement de sa langue et sa culture d’origine ? Quand prendra-t-on conscience du fait que le seul référentiel culturel qui est aujourd’hui, contrairement à naguère, transmis aux enfants issus de l’immigration par leurs propres familles, est celui de leur pays d’origine, et que pour aider ces enfants à s’insérer dans la société française, l’école a donc une toute autre mission à accomplir auprès d’eux que d’abonder dans le sens des familles ? Le plus souvent, pour toutes les raisons que j’ai abordées dans « Le puzzle de l’intégration », ces dernières n’ont elles-mêmes aucune possibilité d’accompagner leurs enfants sur ce chemin de leur insertion. Vous aurez remarqué que j’évoque ici l’insertion, et non pas l’intégration. Quand notre personnel politique réalisera-t-il que c’est bel et bien la carence de transmission de la culture du pays d’accueil qui creuse le tombeau des enfants issus de l’immigration, et de la France par voie de conséquence ?

    Je terminerai en citant le sociologue Alex Mucchielli : « La notion de mentalité (système culturel) recoupe d’ailleurs entièrement le concept de culture intériorisée. Une mentalité c’est un ensemble d’acquis communs aux membres du groupe. Ces acquis, comme dans le cas de la culture intériorisée, servent de références permanentes et inconscientes pour la perception des choses, pour les évaluations faites et interviennent dans l’orientation des conduites. Une mentalité porte en elle une vision du monde et génère des attitudes (c’est-à-dire des manières d’être envers les choses) concernant les éléments de l’environnement. Ces éléments de l’environnement ne sont pas n’importe lesquels. Ce sont les éléments clés de la vision du monde : les référents essentiels de l’identité. Ces éléments importants par rapport auxquels le groupe a pris position sont les éléments dits nodaux, points d’ancrage de son identité. »[2]

    ____________________________

    [1] Nicole Mosconi, Jacky Beillerot, Claudine Blanchard-Laville, « Formes et formations du rapport au savoir », Savoir et formation - L’Harmattan, juin 2000.

    [2] Alex Mucchielli, « L’identité », Que sais-je? - PUF, 1986.

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  • Ce que notre Conseil constitutionnel a rejeté, Bruxelles finira-t-il par nous l’imposer ?

    Le 15 novembre dernier, le Conseil constitutionnel censurait l’article 63 du texte de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, qui autorisait le comptage ethnique et racial. Or, une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil de l’Europe, présentée par la Commission Européenne, souhaite mettre en oeuvre ce comptage dans le cadre du « recensement de la population et du logement ». La Commission européenne avance que les statistiques dont elle dispose pour établir des comparaisons entre les différents pays de l’Union Européenne ne sont pas assez exhaustives, ni suffisamment détaillées, pour lui permettre d’assumer ses compétences.

    Cette proposition de règlement n’est pas inconnue de notre classe politique, puisque le 3 avril 2007 elle a déjà été examinée par nos sénateurs. Ces derniers observaient que « Le texte reste en effet relativement imprécis quant à la nécessité de faire parvenir des informations liées aux thèmes recommandés. Ceux-ci couvrent des domaines relevant pour l’essentiel de la sphère privée, dont la confidentialité est protégée par la loi française (aptitude à lire et à écrire, religion, groupe ethnique, situation matrimoniale de fait). Le texte devrait en conséquence clairement marquer le caractère facultatif de la transmission de ces informations. »

    Voici quelques-uns des thèmes que Bruxelles souhaite voir pris en compte par les États membres dans le recensement de leurs populations :

    • Date du premier mariage et du mariage actuel de la femme ; date de la première union consensuelle et de l’union consensuelle actuelle de la femme ;
    • pays de résidence antérieure, durée totale de la résidence dans le pays, lieu de résidence habituel cinq ans avant le recensement ; raison de la migration ;
    • pays de naissance des parents ;
    • acquisition de la citoyenneté ;
    • groupe ethnique ;
    • langue ;
    • religion ;
    • handicap.

    Aux États qui auraient « oublié » la primauté du Droit européen sur les droits nationaux, Bruxelles rappelle ce qui suit : « Entrée en vigueur : Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre. ». Nos dirigeants français sauront-ils se souvenir, fort à propos, de l’existence du principe de subsidiarité ?

    Autre sujet d’inquiétude : la Charte des droits fondamentaux, adossée au Traité européen que la France vient de signer, stipule en son article 10 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »

    Cette Charte des droits fondamentaux signe-t-elle la fin de la Loi de 1905 ? Si c’est le cas, je crains que nos instances dirigeantes ne soient en train de créer les conditions d’un net durcissement de la cohabitation au sein de notre espace public. Est-ce bien intelligent ?

    Comme je l’écris dans Le puzzle de l’intégration : « L’Union Européenne doit cesser de lutter contre les particularismes, qui sont parties intégrantes de l’identité de chacun des peuples qui la composent. Ce n’est pas contre ses peuples que l’Union doit se construire, mais plutôt pour et avec ses peuples. La voie qu’a empruntée l’Europe a fait naître la méfiance à son égard et ruiné les espoirs des Européens. La plus grande victime n’en a pas été la construction européenne, mais les peuples européens, dont les espoirs d’une Europe solide ont été brisés. »

    Au fil des années, l’Union Européenne est devenue semblable à un avion dont on essaie de pousser les réacteurs sans même avoir véritablement réfléchi, ni au point à rallier, ni à la trajectoire à adopter. Les peuples disposeront-ils du pouvoir de rappeler leurs dirigeants à davantage d’esprit de responsabilité ? Il faut l’espérer pour la survie à moyen et long terme de la construction européenne, mais aussi et surtout pour la paix civile au sein de chacun des pays qui la composent.

    Catégories : Insertion - intégration
  • La « tolérance zéro », une fausse bonne idée

    Il est confortable, et séduisant aussi, d’imaginer qu’en sanctionnant toute infraction, à commencer par la plus minime, on pourrait prévenir les suivantes, dissuader ceux qui n’ont pas encore franchi le pas et guérir ainsi une société malade d’insécurité.

    Mais tout d’abord, comment mesurer l’efficacité d’une politique dont l’ambition est de lutter contre la violence et le sentiment d’insécurité qu’elle induit ? Autrement dit, qu’attendons-nous d’une politique efficace ? Est-ce la réduction durable du nombre d’actes de délinquance, ou est-ce l’éviction des éléments perturbateurs de l’espace public, afin de les mettre « hors d’état de nuire » ? Si c’est ce dernier objectif qui est retenu, dans la mesure où les délinquants finissent un jour ou l’autre par sortir de prison, à l’évidence ils réapparaitront tôt ou tard dans l’espace public. La sanction les aura-t-elle alors dissuadés de récidiver ? Autrement dit, la sanction les aura-t-elle responsabilisés ?


    L’échec de l’expérience américaine

    La politique de « tolérance zéro », dite aussi théorie du « carreau cassé » ou de la « vitre brisée », a vu le jour aux États-Unis au début des années 1980, avant d’être progressivement exportée vers d’autres contrées, dont l’Europe. Ce sont les chercheurs James Q. Wilson et Georges Keeling qui ont formalisé cette théorie. Elle postule que tout « désordre » non traité peut dégénérer en actes de délinquance très graves. Ainsi, tout graffiti, toute incivilité seraient susceptibles de conduire leurs auteurs sur la voie de la grande délinquance, voire du crime. Aucune explication d’un tel cheminement, d’ailleurs largement invalidé par les statistiques, n’est avancée par les auteurs pour étayer leur théorie.

    Un rapport publié en novembre 2007 par le JFA Institute, cercle de réflexion basé à Washington aux travaux duquel participent des criminologues de compétence reconnue, vient à nouveau de rappeler que la politique de « tolérance zéro » n’avait eu aucun impact sur le niveau de criminalité aux États-Unis, qui est à ce jour le même que celui qu’on enregistrait dans les années 1970. Pourtant, pour défendre une prétendue réussite, les défenseurs de cette politique donnent très souvent en exemple le cas de la ville de New-York, où la délinquance aurait diminué. Qu’en est-il en réalité ? Les nombreux sociologues américains qui se sont penchés de manière approfondie sur l’analyse de la situation à New-York avancent plusieurs explications, parmi lesquelles :

    • les forts taux d’incarcération mettent les délinquants temporairement hors circuit ;
    • la délinquance s’est déplacée vers des zones moins protégées que New-York, mais elle ne s’est pas résorbée. Les délinquants ou auteurs d’incivilités qui empoisonnent la vie quotidienne des citoyens, partent en effet effectuer leur commerce illicite ou leur atteinte aux autres, dans des lieux moins protégés. Le taux de criminalité dans les petites villes, lui, n’a pas baissé ;
    • la démographie a évolué à New-York, où le nombre de jeunes a baissé ;
    • l’apparition d’une véritable prise de conscience de la fraction des jeunes qui ont assisté aux ravages de la cocaïne parmi leurs proches (parents, amis ou voisins), les dissuadant de verser eux-mêmes dans la toxicomanie. La consommation de cette drogue a diminué, réduisant de ce fait le trafic de stupéfiants qui s’accompagnait de nombreux actes de délinquance ;
    • dans d’autres villes et sur une même période, on observe également une diminution temporaire du taux de délinquance, alors que ces villes n’appliquaient pas de politique de « tolérance zéro ».

    Le rapport du JFA Institute s’alarme du fort taux d’incarcération aux États-Unis. Avec la politique de « tolérance zéro », les prisons ont vu leurs effectifs augmenter dans de très fortes proportions, d’une part parce que les peines infligées sont de plus en plus longues, d’autre part parce qu’il y a de moins en moins de recherche de sanctions alternatives à l’enfermement. L’effet dissuasif tant espéré de politiques fortement répressives ne s’est donc jamais produit. Citons les chiffres américains : le taux d’incarcération était de 125 pour 100 000 dans la période 1925-1975. Il a fait un bond pour passer à 700 pour 100 000 dans les années 1980, et n’a pas décru depuis. Pour mémoire, rappelons que le taux d’incarcération en France se situe à environ 90 pour 100 000.

    La raison de l’échec de la politique de « tolérance zéro » réside dans la non-adéquation de la réponse apportée au travers de l’enfermement. En effet, cette réponse ne travaille que sur le très court terme. Si cette théorie fut adoptée si promptement, c’est que son caractère simpliste et son immédiateté a séduit les hommes politiques qui souvent, et pas simplement dans notre pays, sont à l’affût de baguettes magiques. Il s’agit véritablement là d’une approche qui s’apparente à de la prestidigitation : un problème surgit, il est aussitôt éliminé du champ visuel des électeurs. On ne s’interroge malheureusement que très rarement sur les retombées sur la société de mesures si radicales. On oublie également de développer une vision de long terme, qui exigerait inévitablement une réflexion un peu plus poussée au sujet des actions à développer très en amont, afin de réduire la masse de problèmes à traiter en aval. L’objectif devrait être de tarir les sources des différentes formes de violence, et ces sources sont multiples. Elles ne sont, il faut le souligner, pas toujours identiques d’un pays à l’autre.

    La politique de « tolérance zéro » présente par ailleurs le défaut majeur de conduire à l’abandon de la philosophie qui consiste à toujours travailler à l’identification de voies qui permettraient à l’être humain d’œuvrer à sa propre réhabilitation. Cette politique abandonne aussi, dans le même temps, la dimension de dissuasion. Nous le vérifions aujourd’hui en France : la loi sur la récidive, avec l’instauration de peines planchers, est tout simplement impuissante. Il est capital de réaliser qu’il ne peut y avoir à ce problème de réponse simpliste à effet immédiat.


    Alors, que faire ?

    En abordant la réponse à cette question, nous allons mieux comprendre pourquoi la politique de « tolérance zéro » ne peut conduire à une diminution réelle de la délinquance, alors qu’elle concourt à banaliser l’acte d’emprisonnement. Celui-ci constitue malheureusement à présent, pour certains délinquants, dans notre pays, une marque de valorisation au sein de leur groupe.

    Pour traiter le problème spécifique de la violence dans notre société, dans laquelle la forte implication des enfants issus de l’immigration n’est plus à démontrer, plusieurs axes doivent être déployés de concert. Je les ai parsemés au long du Puzzle de l’intégration : les pièces qui vous manquent, en donnant à chaque fois les raisons profondes. Les relations de cause à effet y ont été développées de façon que le lecteur puisse ensuite, avec son propre jugement, participer à porter un regard critique et constructif sur les débats qui agitent l’ensemble de notre classe politique. Je ne vous livre ici que quelques-uns de ces axes, et vous renvoie à mon livre pour compléter cette liste et approfondir le sujet :

    • L’abandon de la théorie de la victimisation est une absolue nécessité : se reporter au contenu de mon livre pour comprendre le poison que cela constitue pour les enfants issus de l’immigration, et la haine que cette « attitude » instille dans le cœur et l’esprit des familles issues de l’immigration.
    • La responsabilisation des parents des délinquants mineurs est incontournable. Il est indispensable qu’ils assument, vis-à-vis de la société, leurs responsabilités en cas de mauvais agissements de leurs enfants. Il faut appliquer le principe de « tolérance zéro » sur un point : les parents de délinquants mineurs doivent financièrement, ou par le biais d’actions de restauration, participer à la réparation des dégâts matériels commis par leurs enfants. Eu égard à une certaine « sensibilité » au matériel, les « jeunes » réfléchiraient à deux fois avant de saccager. Cela enclencherait à terme un cercle vertueux. J’explique également dans mon livre les raisons, liées à la sociologie des groupes, pour lesquelles le fait de « toucher » les ascendants contribuera à ramener plus facilement leurs enfants dans le rang.
    • Les sanctions appliquées directement aux « jeunes » doivent avoir une visée réparatrice et éducative. Elles doivent systématiquement prévoir un accompagnement en vue d’une insertion dans la société. Je ne parle pas de « réinsertion » car souvent, ces « jeunes » ne sont pas même insérés dans la vie sociale française. Nos juges le savent fort bien, mais le manque de moyens de notre Justice conduit à ce que l’immense majorité de ces peines éducatives ne sont tout simplement jamais appliquées.
    • Il faut remettre à l’ordre du jour, dans toutes les écoles maternelles et primaires de France, une grande ambition dans la transmission de la langue française, qui est la langue officielle de la République, mais que les enfants issus de l’immigration pratiquent de moins en moins, et donc de plus en plus mal. Cet apprentissage est essentiel, car c’est à travers la langue et par le biais de la littérature que seront transmises, à ceux des enfants qui n’y ont pas accès dans leur environnement familial, la culture et les règles de savoir-vivre propres à la société française.
    • La sensibilisation à la culture française doit veiller à inclure tout ce qui n’est que peu, voire pas du tout, transmis au sein des familles, à commencer par l’art sous toutes ses formes. C’est cela qui participera à ouvrir les enfants issus de l’immigration à d’autres cultures que celle de leur milieu familial. De plus, en développant le registre de la sensibilité, la culture artistique participe à adoucir, à pacifier, mais aussi à appréhender le respect de l’être humain dans sa dimension individuelle, et pas seulement dans sa dimension collective comme c’est le cas par exemple dans les sociétés maghrébines ou africaines. Loin d’être futile, cette préoccupation est en réalité centrale, car c’est autour de ce noyau que se cristallisera ou non la possibilité d’une cohabitation dans l’espace public. Cette sensibilisation doit se dérouler tout au long de l’école maternelle et primaire. Au collège, il est en géréral bien trop tard.
    • Il faudra cesser d’encourager fiscalement les familles à délocaliser leur argent vers leur pays d’origine (lois Sarkozy 2006 et Hortefeux 2007). Les fonds transférés sont autant de ressources qui ne seront pas consacrées par les parents à l’insertion de leurs enfants dans la société française. L’aide au développement devrait toujours se faire directement d’État à État, assortie bien entendu de contraintes sur l’affectation des fonds, ou par interventions directes sur des projets.
    • La lutte contre l’économie parallèle est essentielle, pour des raisons évidentes que j’ai déjà évoquées dans un précédent billet. Il est capital dans ce dossier de toujours accompagner la sanction d’enfermement de la privation du « butin », sans quoi cette sanction n’a aucune incidence. Passer quelques années en prison, lorsque cela n’empêche pas de disposer et/ou de faire disposer son entourage d’une amélioration substantielle du niveau de vie, n’est en rien dissuasif.
    • Il faut rouvrir la discussion sur le droit du sol, comme l’avait souhaité Jacques Chirac il y déjà vingt ans. « Le puzzle de l’intégration : les pièces qui vous manquent » expose en détail les raisons pour lesquelles le droit du sol s’apparente à une forme de colonisation. La violence de nombreux « jeunes », qui crient à la moindre occasion leur haine de la France, aurait déjà dû alerter sur la souffrance morale et psychologique que leur fait endurer cette identité que la France leur impose ; la France ne recueille finalement que la monnaie de sa pièce. Sur un sujet aussi délicat, il est important de garder à l’esprit que la souffrance et l’incompréhension sont aussi vives du côté des Français de souche que de celui de nombre d’enfants issus de l’immigration, réputés Français mais qui ne se pensent ni ne se vivent comme tels, et c’est leur droit le plus absolu. Le fait que les parents des deux adolescents décédés dans l’accident de Villiers-le-Bel aient souhaité les enterrer dans leur pays d’origine est bien plus éloquent qu’une montagne de discours. L’appartenance à une terre ne se décrète pas, et ne se décrétera jamais ; elle ne devrait jamais être imposée à quiconque. Pour cette raison, les questions matérielles doivent être définitivement décorrélées des questions identitaires, et la question de l’identité doit être traitée avec le sérieux et le respect qu’elle mérite, car à travers elle c’est le destin d’un peuple qui se joue.

    Je n’aurai abordé dans ce billet qu’une petite partie des raisons pour lesquelles la politique de « tolérance zéro » est simpliste et réductrice, et ne peut répondre à la violence dans notre société. Je n’aurai pas non plus abordé ici la question du coût financier de cette politique pour le contribuable ; il est si lourd que de très nombreux États américains envisagent à présent de le faire supporter par les détenus eux-mêmes.

    Pour clore, provisoirement, ce sujet, je souhaite signaler que l’instauration dans certaines villes des États-Unis d’une police qui s’apparente à une police de proximité s’y est accompagnée de l’apparition d’une certaine corruption. C’est un phénomène qu’il ne faut pas négliger, si une volonté politique de tisser des liens de proximité avec la population passe, comme certains le préconisent, par le recrutement de policiers au seul motif qu’ils connaîtraient bien les habitants des quartiers et même qu’ils en seraient eux-mêmes issus. La Police républicaine doit continuer d’avoir pour mission essentielle de faire respecter les lois de la République. Il est choquant de suggérer que seuls des policiers connus des habitants mériteraient le respect qui leur est doublement dû en tant que représentants de l’État. Sur ce point, je rejoins la position adoptée par le Premier ministre François Fillon au sujet de la récurrente controverse autour de la création d’une police de proximité : ce n’est pas à la population de choisir sa police, et comme je l’ai exprimé dans mon livre, ce n’est nullement un hasard si tous ceux qui symbolisent un tant soi peu la République sont devenus, ces dernières années, cibles d’actes de violence, verbale ou physique. Il faudra un jour que, dans l’intérêt de tous, Français de souche et enfants issus de l’immigration, nous réalisions que la plupart des « jeunes » qui avaient participé aux échauffourées des banlieues en novembre 2005 n’avaient aucun antécédent judicaire, et que l’explication du malaise par la question sociale est une totale imposture.

    Catégories : Éducation - instruction, Insertion - intégration
  • La République finira-t-elle par imploser ?

    J’évoque régulièrement sur ce blog les errements de la politique de « miroir aux alouettes » que conduit notre actuelle majorité, pour la simple raison que c’est toute notre société qui en paiera tôt ou tard les conséquences, et ces dernières, à n’en pas douter, seront de plus en plus lourdes.

    Au cas où certains avaient pu, de manière enfantine, l’espérer, les événements de Villiers-le-Bel sont là pour nous le rappeler : la nomination d’une Rachida Dati ou d’une Rama Yade, que l’on exhibe dans tous les voyages officiels comme les totems d’une France « métissée » qui se porterait bien, n’a aucune incidence sur le maintien de la paix dans certains de nos territoires où les lois de la République ont de plus en plus de mal à être appliquées.

    Il suffit de se plonger dans le quotidien des pompiers, médecins ou enseignants des quartiers dits « sensibles » pour réaliser qu’il y a bien aujourd’hui deux France, et que le défi que nous devons tous participer à relever est d’éviter la dislocation de la France dans un proche avenir. C’est pour cette raison que j’attire l’attention, dans Le puzzle de l’intégration, sur la grande prudence dont nous devons faire preuve, non seulement dans la politique de décentralisation, mais aussi dans le parachutage de personnalités politiques au seul motif qu’elles seraient d’origine étrangère, donc susceptibles de mieux capter les voix d’électeurs de la même origine.

    Le décès de deux adolescents à Villiers-Le-Bel a aussitôt déclenché de nouvelles scènes d’émeutes, rappelant celles de novembre 2005. En quelques heures se sont produits incendies de véhicules, destructions de postes de police et de bâtiments publics (école, bibliothèque, centre des impôts…) et de boutiques du centre ville, incendie d’une entreprise, agressions de plusieurs dizaines de policiers et de pompiers… et l’insurrection semble à présent se propager aux quartiers environnants.

    Voici à ce propos quelques réactions significatives.

    Jean-Yves Bugelli, n°2 du syndicat de police « Alliance », au micro de France Inter : « Depuis 2005, on n’a rien réglé au fond donc c’est vrai qu’un évènement comme celui-là peut déclencher quelque chose. C’est une éventualité. Je ne dis pas que c’est attendu. Je ne dis pas que tous les éléments sont réunis pour cela, mais c’est vrai quand on voit les réactions qui sont quand même complètement démesurées par rapport aux faits eux-mêmes […] »

    Patrice Ribereau, secrétaire général adjoint du syndicat « Synergie Officiers » : « Les événements dans leur intensité et dans leur niveau de violence ont largement dépassé cette nuit ce qu’on a pu connaître à Villiers-le-Bel et à Sarcelles il y a deux ans pendant les émeutes de 2005. On a assisté à des scènes de violence d’une rare sauvagerie cette nuit, que ce soit des scènes de razzia, de pillage mais aussi d’agressions envers nos collègues notamment, et c’est nouveau, avec des tirs d’armes à feu, de fusils à pompes et de fusils de chasse sur nos collègues. Auquel cas là on n’est plus dans des violences urbaines ordinaires si on peut dire, mais on bascule dans la guérilla urbaine. »

    Fabrice Drouelle, présentateur du journal de 13h de France Inter : « C’est justement parce que l’on ne sait pas ce qui s’est passé que Villiers-le-Bel s’est embrasé ». Question : depuis quand, lorsqu’« on ne sait pas », est-on légitimé à saccager ? Ce commentaire de Fabrice Drouelle, que je considère par ailleurs comme un très bon journaliste, montre à quel point notre société a pris l’habitude de participer à légitimer la violence en la justifiant.

    Yvan Hallouin, présentateur du 19/20 de France 3, informe quant à lui ses téléspectateurs : « Précisons que ce reportage aurait dû être plus complet. D’autres témoignages avaient été recueillis, mais l’équipe s’est fait agresser en milieu de journée sur les lieux de l’accident. La caméra et les images ont été volées. »

    François Hollande, toujours au micro de France Inter : « ces violences sont inexcusables, sont inacceptables et en même temps elles traduisent une crise sociale, une crise politique […] La première solution, c’est de régler la crise sociale profonde dans l’emploi […] Pourquoi les logements ne sont attribués que dans certaines villes ? […] Je fais aujourd’hui la proposition : lorsque les maires n’attribuent pas les 20% de logements sociaux dans leurs villes, eh bien ce sera le Préfet qui se substituera à eux. »

    Vous noterez que François Hollande, tout en affirmant que ces violences sont inexcusables, insinue dans le même temps qu’elles auraient pour origine des questions de logement ou d’emploi. Il trouve donc ainsi une justification aux agressions d’agents de l’État et aux dégradations. Je pose donc la question à M. Hollande : si la France entrait en récession économique, comme cela s’est déjà maintes fois produit au cours de son Histoire, devrions-nous alors nous attendre à la voir brûler ?

    Les habitants de Villiers-le-Bel ont quant à eux immédiatement réclamé que les policiers qui conduisaient la voiture impliquée dans l’accident soient déclarés coupables, avant même que les enquêteurs aient pu effectuer leur travail. Pour avoir la paix, l’État français devra-t-il un jour offrir la tête de ses policiers ?

    Face à des comportements de violence quels qu’ils soient, l’ensemble de notre classe politique doit opposer un front républicain commun et uni. Lorsque ce n’est pas le cas, et que certaines personnalités politiques tentent d’accréditer le bien-fondé de la violence, alors ceux qui souhaitent en découdre avec la République l’interprètent comme un signe de compréhension et d’encouragement. Les conséquences en sont terribles pour tous, et pour les habitants des quartiers « sensibles » en premier lieu.

    Comment peut-on s’étonner que les entrepreneurs et les commerçants désertent certains quartiers, alors même que l’État y alloue des sommes conséquentes en avantages fiscaux, quand on voit le climat qui y règne même en dehors des périodes d’insurrection ? Comment peut-on encore s’interroger sur les hésitations des entreprises, à la lecture de certains CV portant l’adresse de quartiers qui renvoient régulièrement à l’opinion publique une image des plus déplorables ? Comment peut-on encore surseoir à sensibiliser les parents de ces délinquants aux comportements que la société française attend de tout parent ? Comment s’étonner que personne en France ne souhaite accueillir des logements sociaux de gaieté de cœur ? Et ce n’est pas une loi coercitive telle que la « loi SRU » qui règlera le problème d’acquisition des règles de comportement qu’attend la société française. En l’état actuel des choses, l’application de cette loi ne conduirait qu’à disséminer dans tous les autres territoires les problèmes des quartiers sensibles. Cessons de mettre en œuvre des idées qui ne feront qu’amplifier les difficultés au lieu de les résorber !

    Nous vivons une période d’hypocrisie qui n’a que trop duré. Il est maintenant urgent de cesser de cautionner la violence en la justifiant. Comme je le développe dans « Le puzzle de l’intégration », cette attitude est terrible de conséquences pour l’éducation des enfants issus de l’immigration. Il faut cesser de laisser croire à des quartiers entiers que l’on peut réussir un jour à décrocher un emploi sans fournir le minimum d’investissement requis au cours de l’apprentissage scolaire, et en bafouant les règles élémentaires du « savoir vivre ensemble » propres à la société française. En poussant le système scolaire à attribuer des notes et des diplômes sans rapport avec le niveau réel des élèves, nos dirigeants politiques desservent en réalité les enfants, qui sont devenus incapables d’établir un lien de causalité entre leur niveau d’investissement ou de désinvestissement personnel, et leur réussite ou leur exclusion ultérieure.

    Il faut d’autre part que le Ministre de la Justice s’occupe de toute urgence des vrais dossiers liés à la délinquance, au lieu de faire diversion en tentant de modifier une carte judiciaire qui n’aurait pour inconvénient que de dater de 1958. Quand, par exemple, le Ministre de la Justice s’occupera-t-elle de démanteler les réseaux d’économie parallèle ? Je répète ici ce que j’ai écrit dans Le puzzle de l’intégration : tant que les élèves des quartiers sensibles auront sous leurs yeux des exemples de « réussite » facile, jamais ils ne développeront d’effort réel à l’école. Plus grands, ils lutteront à leur tour contre la présence policière sur des territoires qui ne sont plus vraiment sous contrôle de la République française. Ni ce sujet, ni celui du traitement de la délinquance, n’ont connu d’amélioration de la part de Nicolas Sarkozy, qui fut pourtant Ministre de l’intérieur pendant quatre ans, ou de Rachida Dati, qui fut sa conseillère Place Beauvau. Nous avons, bien au contraire, enregistré une nette dégradation. Ils ont à présent le devoir de cesser de faire illusion en ne se préoccupant que de communication, pour traiter véritablement le fond des problèmes, car la colère des Français pourrait être un jour à la hauteur de la déception !

    Le problème de l’immigration-insertion-intégration est un défi majeur pour la France de demain. Je dirais même que c’est le principal défi que devra relever la France, tant il pèse sur son avenir. Ses conséquences se font déjà sentir dans notre enseignement supérieur, altérant de ce fait l’aptitude de la France à relever les défis posés par la mondialisation. Ce ne sont pas les quelques milliards d’euros que vient de promettre le gouvernement qui porteront le niveau réel des élèves à l’entrée du supérieur à un niveau suffisant ; pas plus qu’ils ne donneront, aux 20% de la population estudiantine qui ne possèdent pas le minimum de culture générale nécessaire à un bon déroulement de scolarité, le niveau d’excellence qui seul permettra à la France de tenir sa place dans une compétition internationale sans merci. L’Inde et la Chine forment à présent une élite qui détient, elle, de vrais diplômes et de véritables compétences leur permettant de créer les produits innovants qui seront demain achetés par les consommateurs de la planète entière. Que sera l’avenir d’une France exclue de la compétition internationale ?

    Notre classe politique devra se résoudre à aborder le puzzle de l’intégration en considérant l’ensemble de ses pièces, et non plus en le réduisant à une seule de ses pièces, qui plus est la plus insignifiante, celle du niveau économique des familles issues de l’immigration. Les raisons de l’échec de l’insertion dans la société française, sans même évoquer celles de l’intégration dans la communauté nationale, se trouvent en effet bien ailleurs…

    Catégories : Insertion - intégration, Politique