Paris, 14 janvier 2007, discours de Nicolas Sarkozy : « Au bout du chemin de la repentance et de la détestation de soi il y a, ne nous y trompons pas, le communautarisme et la loi des tribus […] On ne construit rien en demandant aux enfants d’expier les fautes de leurs pères. De Gaulle n’a pas dit à la jeunesse allemande : “Vous êtes coupables des crimes de vos pères”. Il lui a dit : “Je vous félicite d’être les enfants d’un grand peuple, qui parfois au cours de son histoire a commis de grandes fautes.” »
Lyon, 5 avril 2007, discours de Nicolas Sarkozy : « Je déteste cette mode de la repentance qui exprime la détestation de la France et de son Histoire. Je déteste la repentance qui veut nous interdire d’être fiers de notre pays. Je déteste la repentance qui est la porte ouverte à la concurrence des mémoires. Je déteste la repentance qui dresse les Français les uns contre les autres en fonction de leurs origines. Je déteste la repentance qui est un obstacle à l’intégration parce que l’on a rarement envie de s’intégrer à ce que l’on a appris à détester, alors que l’on devrait le respecter et l’aimer. Voilà ma vérité. »
Paris, 6 mai 2007, discours de Nicolas Sarkozy prononcé le jour de son élection à la Présidence de la République : « Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres. Le peuple français a choisi le changement. Ce changement je le mettrai en œuvre parce que c’est le mandat que j’ai reçu du peuple et parce que la France en a besoin. »
Paris, 14 février 2008, discours de Nicolas Sarkozy, Président de la République, prononcé devant le CRIF : « C’est dans les premières années de l’éveil de sa conscience qu’un enfant doit être élevé dans le rejet absolu du racisme. C’est pourquoi j’ai demandé au gouvernement, et plus particulièrement au ministre de l’éducation nationale Xavier Darcos, de faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah. […] Les enfants ont payé le plus lourd des tributs à la Shoah. Vous en savez quelque chose, Monsieur le Président, puisque vous êtes né à Gdansk le 7 juillet 1945. Dans cette Pologne où les historiens considèrent que moins d’1% des enfants juifs ont survécu, votre naissance est tout simplement un miracle. Peut-on trouver plus noble dessein que de permettre à ces enfants martyrs d’être les pédagogues éclairés de nos propres enfants ? »
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La parole donnée serait-elle désormais vide de sens ? Comment ne pas s’interroger ?
Pendant combien de générations les Français devront-ils encore mettre genoux en terre ? Quand les dirigeants français prendront-ils véritablement conscience que pour construire la paix avec autrui, il est indispensable de signer d’abord la paix avec soi-même ?
Au-delà de ces interrogations, se pose une terrible question : le Président de la République a-t-il ainsi officiellement donné le signal du départ de la compétition des mémoires avec les conséquences que cela ne manquera pas d’entrainer? Après avoir demandé aux enfants français de porter sur leurs épaules les fantômes d’enfants victimes de la Shoah, leur demandera-t-on un jour de porter également les fantômes de jeunes esclaves, de jeunes colonisés, ou de jeunes de toutes origines que l’on désignera peut-être un jour comme victimes d’une politique étrangère de la France qu’il est souvent de bon ton et fort commode de décrier (Bosnie, Darfour, Rwanda…) ? La réponse, c’est Serge Klarsfeld qui nous l’apporte : « On imprime mieux une histoire quand on est enfant, […] quitte à élargir cet effort de mémoire à d’autres questions, comme la colonisation. » (déclaration du 15 février 2008)
Autre inquiétude, et non des moindres, exprimée par Simone Veil : « Comment réagira une famille très catholique ou musulmane quand on demandera à son fils ou à sa fille d’incarner le souvenir d’un petit juif ? » Sous-entendu, cette initiative pourrait susciter des sentiments ou attitudes antisémites. Et Simone Veil a bien raison de s’en inquiéter. Pascal Bruckner ne dit pas autre chose : « C’est une initiative dangereuse qui va ajouter du pathos et faire dire, une fois de plus : “Y’en a que pour les Juifs.” La compassion, c’est dangereux. » (le Figaro du 15 février 2008)
N’incombe-t-il pas à la classe politique de veiller, au jour le jour, sur la paix civile ?