Pour la première fois de ma vie j’éprouve ce sentiment étrange : celui de ne pas me sentir concernée, en tant que citoyenne, par le 14 juillet. Jusqu’ici, chaque année, mon cœur s’emballait de fierté et d’émotion.
Ce que je ressens, c’est que la fête nationale a été confisquée pour n’être plus désormais qu’une fête pour notables agrémentée d’un spectacle organisé à cette occasion pour leur plus grand plaisir. Une “simple” fête pour une nouvelle aristocratie revêtant ses costumes d’apparat, une noblesse qui a remplacé celle de l’Ancien Régime. Cette dernière avait fini par tomber à force de se goinfrer tout en renvoyant l’image d’une grande indifférence au sort du peuple, alimentant le sentiment de défiance qui allait conduire à sa destitution.
Les médias ne s’y trompent pas qui depuis longtemps déjà, en ce jour de fête nationale, illustrent et résument cette journée par des images de tribunes garnies de dignitaires, autant d’hommes et de femmes heureux d’afficher leur rang. Les journalistes “vedettes” ne sont pas en reste, qui trouvent ici l’occasion de se divertir en se mettant eux-mêmes en scène aux côtés de nos soldats dont on sait les conditions précaires dans lesquelles, eux, vivent tout au long de l’année. “Nous sommes à l’os, le costume est taillé au plus juste”, avait dit le Chef d’État-Major des Armées Pierre de Villiers au moment de sa démission. Une démission pour sauver l’honneur de nos Armées.
En quoi le peuple est-il concerné par cette journée ? En quoi la France, qui d’année en année tombe toujours un peu plus bas, est-elle concernée par cette fête organisée par et pour des élites ? Qu’ont fait ces élites – ou pas – pour que la nation en arrive là ? Où sont leurs mérites, leurs réalisations au service de l’essor de la France, ou même de sa simple préservation tandis que sa continuité historique se trouve désormais menacée ?
Ce sont ces questions – et bien d’autres – qui me font sentir étrangère et indifférente à cette journée. L’enjeu est ailleurs et il est vertigineux : comment réussir à sauver la France dans un moment où les véritables leviers de pouvoir, parmi lesquels j’inclus la formation de la jeunesse, ont été confisqués ?