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  • Bonne année de vérité et de fraternité !

    Voici venue une nouvelle année. Que nous réservera-t-elle ? Que réservera-t-elle à notre patrie, la France ?

    Je ne crois pas en l’homme (ou la femme) politique providentiel(le) ; en tout cas, pas en temps de « paix ». Je place volontairement le mot paix entre guillemets. Comment penser en effet que nous puissions être encore en temps de paix quand la France menace de s’écrouler – ses fondations ayant été, depuis plus de trente ans, minées jour après jour ?

    L’Histoire est là pour en attester : ce sont souvent les grandes épreuves qui créent les conditions d’une suspension du temps propice à l’émergence d’hommes et de femmes capables de se transcender. Ces circonstances amènent alors une part suffisante du peuple à délaisser le quotidien pour regarder la vérité en face et consentir aux sacrifices sans lesquels aucun défi d’envergure ne peut être surmonté. Aussi grand soit-il, aucun homme ne peut rien à lui tout seul.

    À tous mes compatriotes, je souhaite donc une année de vérité et de fraternité !

    « (…) Ce n’est pas assez de dire aux citoyens, soyez bons ; il faut leur apprendre à l’être ; et l’exemple même, qui est à cet égard la première leçon, n’est pas le seul moyen qu’il faille employer : l’amour de la patrie est le plus efficace ; car comme je l’ai déjà dit, tout homme est vertueux quand sa volonté particulière est conforme en tout à la volonté générale, et nous voulons volontiers ce que veulent les gens que nous aimons.

    Il semble que le sentiment de l’humanité s’évapore et s’affaiblisse en s’étendant sur toute la terre, et que nous ne saurions être touchés des calamités de la Tartarie ou du Japon, comme de celles d’un peuple européen. Il faut en quelque manière borner et comprimer l’intérêt et la commisération pour lui donner de l’activité. Or comme ce penchant en nous ne peut être utile qu’à ceux avec qui nous avons à vivre, il est bon que l’humanité concentrée entre les concitoyens, prenne en eux une nouvelle force par l’habitude de se voir, et par l’intérêt commun qui les réunit. Il est certain que les plus grands prodiges de vertu ont été produits par l’amour de la patrie : ce sentiment doux et vif qui joint la force de l’amour-propre à toute la beauté de la vertu, lui donne une énergie qui sans la défigurer, en fait la plus héroïque de toutes les passions. C’est lui qui produisit tant d’actions immortelles dont l’éclat éblouit nos faibles yeux, et tant de grands hommes dont les antiques vertus passent pour des fables depuis que l’amour de la patrie est tourné en dérision.

    Voulons-nous que les peuples soient vertueux ? commençons donc par leur faire aimer la patrie : mais comment l’aimeront-ils, si la patrie n’est rien de plus pour eux que pour des étrangers, et qu’elle ne leur accorde que ce qu’elle ne peut refuser à personne ? Ce serait bien pis s’ils n’y jouissaient pas même de la sûreté civile, et que leurs biens, leur vie ou leur liberté, fussent à la discrétion des hommes puissants, sans qu’il leur fût possible ou permis d’oser réclamer les lois. Alors soumis aux devoirs de l’état civil, sans jouir même des droits de l’état de nature et sans pouvoir employer leurs forces pour se défendre, ils seraient par conséquent dans la pire condition où se puissent trouver des hommes libres, et le mot de patrie ne pourrait avoir pour eux qu’un sens odieux ou ridicule. Il ne faut pas croire que l’on puisse offenser ou couper un bras, que la douleur ne s’en porte à la tête ; et il n’est pas plus croyable que la volonté générale consente qu’un membre de l’État quel qu’il soit en blesse ou détruise un autre, qu’il ne l’est que les doigts d’un homme usant de sa raison aillent lui crever les yeux. La sûreté particulière est tellement liée avec la confédération publique, que sans les égards que l’on doit à la faiblesse humaine, cette convention serait dissoute par le droit, s’il périssait dans l’État un seul citoyen qu’on eût pu secourir ; si l’on en retenait à tort un seul en prison, et s’il se perdait un seul procès avec une injustice évidente : car les conventions fondamentales étant enfreintes, on ne voit plus quel droit ni quel intérêt pourrait maintenir le peuple dans l’union sociale, à moins qu’il n’y fût retenu par la seule force qui fait la dissolution de l’état civil (…) » Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Discours sur l’économie politique, publié dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1755.