Comme je le relevais dans une précédente note, les tests ADN auront réussi à totalement éclipser la question, lourde de conséquences pour la cohésion nationale, que représente l’introduction, en France, du comptage ethnique. C’est pourtant l’avenir d’une France « une et indivisible » qui se joue, et ce, dans une indifférence quasi-généralisée. Le comptage ethnique est le « cheval de Troie » des fervents défenseurs de la politique inégalitaire dénommée « discrimination positive ». Le fait que des communautaristes réclament, depuis plusieurs années, ce comptage ethnique, eût dû mettre la puce à l’oreille de notre représentation nationale. Les élus sont eux-mêmes tombés dans un piège, encouragés, il est vrai, par le harcèlement récurrent de chercheurs qui ne voient en cette mesure que l’opportunité de réaliser de nouvelles études statistiques. S’il ne revient pas nécessairement aux chercheurs d’anticiper les conséquences des outils qu’ils réclament, il appartient par contre à la représentation nationale de se projeter un tant soit peu dans l’avenir pour imaginer quel type de brèches ces outils seraient susceptibles d’ouvrir, notamment : quelles conclusions fallacieuses pourraient bien être tirées de ces études ? Quels effets le résultat brut de telles études pourrait-il provoquer chez des populations issues de l’immigration, auxquelles on ne cesse de répéter que les Français de souche sont responsables de tous leurs maux ? Quelles perturbations ce comptage ethnique introduirait-il dans la notion d’appartenance à la communauté nationale française ? Quelle incidence le comptage ethnique pourrait-il avoir sur le respect de la liberté individuelle ? Sur ce dernier point, que j’estime pour ma part essentiel (et j’en profite pour signaler, au passage, que la citation du poème « Liberté » de Paul Éluard n’a pas été placée en épigraphe du Puzzle de l’intégration simplement pour décorer), ce n’est certainement pas par hasard que la secrétaire d’État Fadéla Amara a justifié son refus du comptage ethnique par l’invocation de la « liberté ». Le journal le Monde rapporte ainsi ses propos : « Interrogée sur l’hypothèse d’un recours à des statistiques ethniques, elle a répondu : “Ça aussi, c’est un autre combat. Je ne veux pas qu’on définisse les gens en fonction de leurs origines, de leur religion. Créer des catégories de population, c’est dangereux.” “Je suis une femme libre, ne l’oubliez jamais”, a fait valoir Mme Amara. » Mais nos hommes et femmes politiques auront-ils pris la peine de tenter de décrypter le message lourd de signification que Fadéla Amara a voulu leur adresser ?
Au nom de quel principe l’État français s’arrogerait-il le droit de permettre le catalogage de certaines personnes, et leur assignation à un groupe donné ? Les enfants issus de l’immigration qui se pensent et se vivent Français ne se comptent ni ne se vivent comme membres d’un groupe qui serait estampillé jusqu’à la fin des temps « d’origine étrangère ». Comment se fait-il que l’État français, qui a été incapable d’identifier les causes de la non-insertion des derniers flux migratoires, ni d’en régler les conséquences terribles pour notre société, puisse se permettre de concourir à renforcer, par le biais d’une assignation d’âme à des groupes minoritaires, un climat qui rend déjà les enfants issus de l’immigration peu réceptifs à leur environnement extérieur, c’est-à-dire à la société française ? C’est dans ce registre que l’on doit chercher une bonne partie des raisons de la non-insertion. Pour ce qui est de l’intégration à la communauté nationale française, il s’agit d’une démarche individuelle qui se joue sur un registre moral et affectif, et à ce titre ne saurait en aucun cas être imposée à quiconque.
Le combat n’est pas fini, et tout espoir n’est pas encore perdu, puisqu’une commission mixte paritaire a été convoquée. Aux dernières nouvelles, elle devrait se réunir le 16 octobre prochain. Elle sera chargée de plancher sur les dispositions encore en discussion dans le projet de loi sur l’immigration de Brice Hortefeux. Le comptage ethnique fera-t-il partie de ces discussions ? Je n’en suis pas certaine. Je sais simplement que des personnalités, convaincues de l’urgence d’agir pour empêcher que soit enclenché le compte à rebours vers la mort de la France « une et indivisible », tentent de faire naître une lueur de lucidité salvatrice, que ce soit au sein de cette commission mixte paritaire, ou au sein de l’opposition qui pourrait ainsi saisir, à ce sujet, le Conseil constitutionnel. Pour une multitude de raisons, leur travail n’est pas simple. Mais l’important aura été d’exercer sa responsabilité de citoyen qui refuse de cautionner la rupture avec notre modèle républicain, un modèle qui a pourtant déjà démontré toute sa force.
À tous ceux que je rencontre ou qui m’écrivent, je veux donner ici un espoir : sur tous les sujets qui intéressent la défense du socle des fondamentaux de l’idéal français, de plus en plus d’hommes et de femmes prennent aujourd’hui conscience qu’ils ont une responsabilité majeure à assumer. Leurs actions sont spontanées, mais déterminées. Elles sont des plus émouvantes, car on sent que quelque chose de beaucoup plus grand qu’eux-mêmes les anime. Ils savent que leurs descendants les jugeront sur l’héritage qu’ils leur auront transmis, mais également sur celui qu’ils auront laissé brader.